A. Origines du projet Un ami apprenant mon intérêt pour l’astronomie m’a
avoué en février 1999 avoir commencé le travail d’un
miroir quelques dix ans auparavant et avoir abandonné. Il m’a
proposé de reprendre son matériel et de terminer le travail.
J’ai un peu hésité: l’occasion était
tentante mais contraignante. L’idée m’en était
déjà venue mais ça n’avait jamais été
qu’un vague projet. J’ai finalement accepté et réalisé
mon télescope, ce que je n’aurais pas fait avant longtemps
sans cette opportunité!
B. Travail du Grand Miroir Pour les raisons d’encombrement évoquées plus haut,
j’ai décidé de pousser mon miroir à F/D=5,
ce qui équivalait à peu près à atteindre une
flèche centrale de deux millimètres. Le poste de travail
ainsi que l’appareil de Foucault utilisés sont ceux décrits
par Lyonnet du Moutier. L’évolution de l’ébauchage
a été contrôlée par mesure de la flèche
et non pas par un calibre. Le sphèromètre ainsi utilisé
n’était autre qu’un bout de madrier bien droit traversé
en son centre par une vis au pas de 1mm. Une molette graduée donnant
la profondeur, après un rapide étalonnage sur le dos, supposé
plan du miroir. La vis doit être taillée en pointe mais pas
trop aiguë car son usure rapide sur le verre gris fausserait vite
la mesure. Ce dispositif permet sans peine des mesures à un dixième
de mm, ce qui suffit amplement à contrôler un ébauchage,
la focale finale n’étant pas exigée avec une grande
précision. Ébauchage
Doucissage
Polissage Tout a commencé par l’impossibilité de trouver de la poix. J’ai tout essayé: magasins d’art, drogueries et pharmacies, le problème n’étant pas la disponibilité de ladite poix mais plutôt que personne ne savait ce que c’était, et j’étais bien incapable de l’expliquer. Après plusieurs minutes de parlementations avec une droguiste de Strasbourg (la seule!), j’ai pu obtenir qu’elle me montre ce qu’elle appelait «colophane», et que je connaissais moi-même pour l’utiliser sur la mèche en crin de mon archet pour la faire mieux mordre les cordes de mon violoncelle. Elle est en fait obtenue par distillation de la térébenthine (mélange de résines de conifères): le distillat est appelé «essence de térébenthine» et le résidu «colophane». C’est ainsi un corps (sans doute!) très voisin par sa composition de la poix, et aux propriétés physiques semblables, quoique peut-être un peu plus cassante. Elle est d’une belle couleur ambrée, la poix devant sans doute sa noirceur à une grande quantité d’impuretés. J’ai donc tenté la chose et en ai acheté 300g. Les opérations de fonte et de moulage ont été conduites le 11 novembre 1999 comme indiqué dans le cas de la poix, la colophane étant ramollie par adjonction d’essence de térébenthine - en fait exactement à l’inverse de sa fabrication. Le moulage a été fait en deux fois, la première colophane étant trop dure. Voulant économiser l’effort (par flemme, quoi!) de recouvrir les tasseaux du moule de papier kraft, j’ai eu un mal fou à démouler sans tout casser les bandes de colophane. Par ailleurs je ne sais pas ce qu’il en est pour la poix mais la colophane est très sensible aux changements brusques de température (surtout lorsqu’elle contient peu d’essence), le refroidissement doit donc se faire très lentement. C’est le moment précis où l’invasion de tout les recoins des pièces, fonds de chaussettes, fauteuils et papiers par la colophane va débuter, car la moindre miette de colophane ramollie se colle à tout ce qu’elle touche et y reste...
Le polissage a commencé le 13 novembre et s’est achevé
le 4 décembre. Après quelques minutes le miroir brille déjà,
mais les dernières piqûres seront longues, de plus en plus
longues à partir...
Parabolisation Après de longs remâchages des pages de Texereau et de Danjon et Couder (Lunettes et Télescopes) sur la tant attendue et redoutée parabolisation, je me lance. Le masque est divisé en six zones (j’ai cru augmenter la précision en multipliant les zones, en fait il s’avère que les zones 5 et 6 sont un peu petites et leur lecture fatigante, quatre auraient suffi pour un miroir de cette taille). Les premiers tests de Foucault me paraissant délicats à lire, je cherche et mets au point un système de contrôle simplifié fonctionnant à l’envers de la méthode décrite.
Le système que j'adopte finalement fonctionne à l’envers (il peut être plus complet, en prenant tous les demis ou quarts de millimètres de tirage par exemple, ce qui correspond pour un pas de vis standard, respectivement à un demi et un quart de tour):
Je pars donc du tirage pour chercher la zone (à l'inverse de la
méthode traditionnelle). En fait je me fais un tableau encore plus
détaillé reliant position moyenne (de 0 à 1 de centre
à bord) et quadruple différence locale de focale (différence
de tirage, ou aberration longitudinale). Pratiquement, j’opère
sans masque, mais avec une règle en papier placée sous le
miroir et graduée en position moyenne (de 0 à 1 de centre
à bord). Je cherche alors le tirage donnant une teinte plate centrale.
Puis je dévisse le tirage de millimètre en millimètre
en observant et notant à chaque fois la position relative (hm)
de la portion de miroir en teinte plate.
Le travail de parabolisation avançant, je suis revenu à la méthode de Texereau, plus fiable et précise, mais là encore il faut s’efforcer de travailler (pour les mesures de contrôle) le plus idiotement possible en ignorant tout de la valeur des chiffres notés. Il ne faut surtout pas (comme je l’ai fait plusieurs fois) se dire «bon, pour la zone suivante je devrais dévisser de deux tiers de tour», car dans ce cas il est évident que-miracle !-c’est exactement ce qu’on va trouver... l’objectivité demande une vigilance constante dans la naïveté ! J’ai arrêté les frais après la vingt-septième retouche, le bulletin de contrôle (ci-dessous) me donnant une magnifique erreur d’onde de lambda/28, valeur à laquelle je ne saurais prétendre, me méfiant définitivement des chiffres, mais promettant sans doute un bon lambda/10. La première séchée de parabolisation laisse le miroir... sphérique, la deuxième plus vigoureuse y fera un trou central qui ne sera rattrapé qu’une bonne douzaine de retouches plus tard... L’ensemble de la parabolisation est menée en deux semaines avec des découragements devant l’imprévisibilité de l’effet des courses spéciales. On perd surtout beaucoup de temps à remettre en place l’appareil de Foucault, le miroir (nettoyé), tout régler, après chaque retouche de quelques minutes. Évidemment si j’avais suivi à la lettre notre ami Jean, j’aurais après chaque retouche attendu plusieurs heures pour l’homogénéisation de la température du miroir... mais trop impatient j’étais de terminer ce miroir et de libérer enfin ma chambre de cet encombrant poste de travail, de la colophane (le rognage des carrés est très miettogène !) et du blanc à polir qui l’accompagnent.
C. Monture et support La réalisation du «tube» a été faite au plus simple et au plus petit: monture altazimutale «Dobson» de type serrurier (jonction des deux boîtes-miroir par des cornières en aluminium disposées en triangles. Il a été très bénéfique d’y penser longtemps à l’avance: je dessinais déjà des plans alors que je ne n’en étais qu’au doucissage. Cette anticipation permet de prendre le temps nécessaire aux bonnes idées et d’éviter en les commettant virtuellement, les erreurs lors de la réalisation. Un autre intérêt important est de rendre concret le futur télescope qui n’a que la forme d’un disque dépoli déprimé... ça aide beaucoup à terminer la taille du miroir ! C’est aussi le moment des premières déceptions: on se rend compte que les différentes épaisseurs de bois ne sont pas négligeables et que le télescope sera en définitive plus gros que souhaité... Le plus gros problème de «prévision» a été de prévoir la taille de la boîte contenant le miroir principal la plus petite possible de façon à ce que le centre de gravité tombe au niveau de l’axe de rotation altitudinal. Cette boîte devait aussi pouvoir contenir la tête du télescope démonté, l’ensemble tenant en une seule boîte. Un défaut (prévu d’ailleurs) n’a pas trouvé de solution: pour que la tête puisse se ranger dans la boîte miroir, toutes les vis (huit) destinées à la fixation des cornières doivent être retirées, ce qui représente du temps et la probabilité d’en perdre dans la nature. Le bois utilisé a aussi été choisi: l’ensemble du télescope est en medium 10mm, bon marché et résistant, mais lourd. tandis que la tête (pour des questions de poids) a été faite en contreplaqué 10mm. Le porte-oculaire a été fait en réutilisant des vieux (et lourds) tubes filetés.
D. Métallisation du miroir principal Bien décidé à mener cette construction de façon
autonome de bout en bout, je me propose d’argenter le miroir, par
la méthode décrite par Texereau et Danjon & Couder.
Je me mets donc en quête début janvier des produits nécessaires.
E. Budget
On trouve maintenant autour de Noël des télescopes en grandes surfaces autour de 1000FF (150E), il ne reste plus qu’à se persuader qu’un télescope «fait main» est meilleur ! Fait à Schiltigheim, le 2 mars 2001 F. Photos Montage du télescope Détails des différentes parties |